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POURQUOI "LES GRANDS LUNAIRES" ?

Il y a plus de cinquante ans, une enfant reçoit une radio à oreillette et se laisse bercer par ces atmosphères :

 

c'est le début d'une passion

Moi, j'ai toujours cru que tu vous avais appelés Les grands Lunaires comme une description de toi et de ton mari :

deux personnages grands, blancs, rêveurs, avec une tête ronde (lunaire) au bout d'un long cou, un peu comme les catoblépas,

mais le cou droit, pas penché, des sortes de Pierrots longs et fins.

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Annie M.

A l'ouverture de la boîte, je trouvai dedans un je ne sais quoi de métal quasi tout semblable à nos horloges, plein d'un nombre infini de petits ressorts et de machines imperceptibles. C'est un livre à la vérité, mais c'est un livre miraculeux qui n'a ni feuillets ni caractères ; enfin c'est un livre où, pour apprendre, les yeux sont inutiles ; on n'a besoin que d'oreilles. Quand quelqu'un donc souhaite lire, il bande, avec une grande quantité de toutes sortes de clefs, cette machine, puis il tourne l'aiguille sur le chapitre qu'il désire écouter, et au même temps il sort de cette noix comme de la bouche d'un homme, ou d'un instrument de musique, tous les sons distincts et différents qui servent, entre Grands Lunaires, à l'expression du langage.
(...)
Lorsque j'eus réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des livres, je ne m'étonnai plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient davantage de connaissance à seize et à dix-huit ans que les barbes grises du nôtre. Car sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture ; dans la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, à pied, à cheval, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à l'arçon de leurs selles, une trentaine de ces livres dont ils n'ont qu'à bander un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s'ils sont en humeur d'écouter tout un livre. Aussi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes et morts et vivants qui vous entretiennent de vive voix.
Vous me demanderez comment se peut-il faire que j'aperçoive si loin de moi une chose que je ne vois point. De mes oreilles sort-il des éponges qui boivent cette musique pour me la rapporter, ou ce joueur engendre-t-il dans ma tête un autre petit joueur avec un petit luth, qui ait ordre de me chanter les mêmes airs ? Non, mais ce miracle procède de ce que, la corde tirée venant à frapper les petits corps dont l'air est composé, elle le chasse dans mon cerveau, le perçant doucement avec ces petits riens corporels ; et selon que la corde est bandée, le son est haut, à cause qu'elle pousse des atomes plus vigoureusement ; et l'organe, ainsi pénétré, en fournit à la fantaisie assez de quoi faire son tableau ; si trop peu, il arrive que notre mémoire n'ayant pas encore achevé son image, nous sommes contraints de lui répéter le même son, afin que, des matériaux que lui fournissent, par exemple, les mesures d'une sarabande, elle en dérobe assez pour achever le portrait de cette sarabande.
Mais cette opération n'est presque rien ; le merveilleux, c'est lorsque par son ministère nous sommes émus tantôt à la joie, tantôt à la rage, tantôt à la pitié, tantôt à la rêverie, tantôt à la douleur. Cela se fait, je m'imagine, si le mouvement que ces petits corps reçoivent, rencontrent dedans nous d'autres petits corps remués de même sens, ou que leur propre figure rend susceptibles du même ébranlement ; car alors les nouveaux venus excitent leurs hôtes à se remuer comme eux. Et de cette façon, lorsqu'un air violent rencontre le feu de notre sang incliné au même branle, il anime ce feu à se pousser dehors et c'est ce que nous appelons ardeur de courage ; si le son est plus doux, et qu'il n'ait la force de soulever qu'une moindre flamme plus ébranlée, à cause que la matière est plus volatile, en la promenant le long des nerfs, des membranes et des pertuis de notre chair, elle excite ce chatouillement qu'on appelle joie. Il en arrive ainsi de l'ébullition des autres passions, selon que ces petits corps sont jetés plus ou moins violemment sur nous, selon le mouvement qu'ils reçoivent par la rencontre d'autres branles et selon ce qu'ils trouvent à remuer chez nous. Voici quant à l'ouïe.

Savignien de Cyrano de Bergerac (XVIIe)

Il a dit aussi "Et pourquoi non ?" Nous nous le répétons chaque jour.lettre065