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BATEAU-CISEAUX

 

 

 

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Au gré des moments quotidiens ou des événements exceptionnels se tisse une réalité particulière, celle d’une enfance sur une péniche. C’est un milieu simple où le travail occupe toute la place et que les livres viennent bousculer. Ce récit raconte l’enfant dans sa construction vers l’âge adulte : sur la péniche, au pensionnat, avec ceux « d’à-terre »,... et surtout à travers la découverte de la lecture. Ce cheminement, de l’apprentissage à l’exploration personnelle nous touche par sa fragilité, ses tâtonnements mais aussi par sa détermination à étancher une soif de découvertes initiés par la lecture.

J’ai trois ans, plus peut-être. Dans la toute petite cabine du bateau, en bois d’acajou et aux cuivres astiqués, je marche à quatre pattes sur un tapis rouge qui ignore tout de l’Orient et des courants aériens. A ma gauche, l’escalier de trois marches qui mène dehors, là où c’est si dangereux. A ma droite, la table en formica, aux pieds chromés, mon palais des glaces. Devant, la cuisinière blanche, avec sa minuterie qui fait « tic tic tic » – le seul bouton que je peux toucher. Dans le four, je fais cuire à froid mon « baigneur », mon bébé noir au crâne troué – accompagné de confiture, ça passe mieux.

Illustrations Véro Vandegh, Format 11 x 19 cm, imprimé en offset, reliure fil de lin, 96 pages, 2007, isbn 978-2-930223-83-4, 15 euros

 

Un article de Mina Merteuil :

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 Sur : https://bullesdair.wordpress.com/2015/04/17/bateau-ciseaux-de-christine-van-acker-vero-vandegh/

 

Au rythme des vagues et à bord de la péniche familiale, le lecteur est plongé dans les souvenirs d’enfance de Christine Van Acker. Car il s’agit d’une enfance un peu particulière, passée à bord du bateau de ses parents. On devine dans les premières pages, une grande curiosité de la part de son fils, de connaître les anecdotes de cette vie sur l’eau, à qui l’auteure dédie ces quelques mots.

Est-ce de la nostalgie? De la tristesse? Ou au contraire, du bonheur qui traverse ce récit? Il m’a été difficile de le détecter, car Christine Van Acker semble souvent tiraillée entre la mer et la terre. Elle remonte par contre tous ces souvenirs de façon naturelle, dans le langage enfantin de ses 3 ans, 5 ans, 10 ans. Le style est donc en phase avec l’ambiance de ce court livre. On se trouve dans un univers d’adultes, où le travail est prépondérant, raconté par une fillette qui rêve d’un ailleurs. Sa voix est enveloppante. J’ai aimé me promener dans ce beau livre, en picorant les courts paragraphes, et en revenant, à l’occasion, à quelques événements marquants qui m’ont fait sourire. J’ai développé beaucoup de bienveillance à son encontre.

Il n’est certainement pas évident de suivre un chemin qu’on n’a pas choisi, et qui implique pas mal de dispositions particulières, comme de se laver dans une bassine, vivre en confinement dans une cabine, partager un tout petit espace avec ses parents, ne pas avoir d’endroit à soi. L’apprentissage est aussi touché : son père fait ce qu’il peut pour lui enseigner le minimum, lire, écrire, compter. Mais lorsqu’elle se découvre une véritable attirance pour les livres, la petite Christine en demande plus. Sa soif d’apprendre, de lire, d’entrer dans de nouveaux univers, est dévorante. Elle passera un temps dans un pensionnat de Soeurs, qui ne la réjouit pas, pour finalement habiter chez sa tante et profiter de moments de partage avec ses cousins et cousines.

S’il n’y avait ces brisures, sentirions-nous notre vie commencer?

L’intuition d’un avenir mieux intentionné, je pense, m’a donné le dessein de grandir, vite. Un excès de conscience m’a fait écrire. » (p.28)

Les illustrations réalisées par Vero Vandegh sont plutôt sombres mais me semblent en concordance avec les textes et la mélancolie qui s’y propagent par petites touches.

C’est pour moi une première lecture d’une publication des éditions Esperluète (découvertes par mon amie Mina qui m’a d’ailleurs fait cadeau de ce beau livre) et j’ai été charmée par l’objet tenu entre les mains. Le format, plus petit que la normale, donne envie d’en prendre soin, et le papier de qualité et cartonné offre une lecture des plus agréables. Les gravures, le plus d’Esperluète qui associe pour chaque parution un artiste à l’auteur, donnent définitivement un cachet supplémentaire. Une belle découverte!

 Plus d'infos sur Esperluète

alt Communiqué de presse 285.51 Kb

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                                                                                    Véro Van Degh et Christine Van Acker

Lire les premières pages :

 

Le passé avance.

Issue de cette matière agitée, hissée par le vivant, je suis née.

Des oubliés m’ont portée à terme.

Ma nature profonde en porte les semis, dormants ou prolifiques.

La mémoire trace ses sillons, égratigne au passage, s’étrangle ou se répand.

Les livres appartiennent à ces invisibles qui m’ont faite.

Ils sont la connivence quand je n’en avais avec personne.

Ils sont le voyage quand je ne pouvais pas encore tenter l’évasion.

Ils sont ces parts de moi-même que j’aurais pu ne pas voir.

Ils m’ont amenée ici.

Ecrire, appuyer sur l’interrupteur de la petite lumière et faire danser les ombres.

Et qu’importe si la mémoire n’est pas fidèle.

Fidèle à qui ?

A quelqu’un qu’on porte en soi à la manière des fantômes ?

Au petit garçon qui se trémousse sur sa chaise, ne mange pas, chante presque « raconte-moi les histoires de quand tu étais petite ».

A mon fils qui porte une rivière brillante parmi ses prénoms.

- D’accord, je raconte. Je raconte et, toi, tu manges. Ok ?

- Tope-là !

- C’est… comme dans les histoires de pirates !

Après un naufrage, durant toute une longue nuit, j’ai nagé, nagé…

Et, quand j’arrive sur ce que je pense être la terre ferme, je suis bien fatiguée.

Au début, je préfère garder les yeux fermés.

Au bout de quelques jours, j’ose soulever mes paupières...

Il y a là un animal appelé « Nounours ».

Il veille sur moi.

Il m’inquiète beaucoup.

Je le soupçonne de bouger dès que j’ai le dos tourné.

Alors, je ne le quitte pas du regard et, mes yeux dans ses yeux, on finit par s’endormir tous les deux.

A cette époque-là, je n’ai pas encore rencontré les livres et je me demande quels pourraient être les mots cachés à mon insu dans les vagues que je dessine ?

On me répond qu’il n’y en a aucun, même pas un tout petit.

Je comprends alors que les indigènes du coin ne savent pas lire, pas comme moi.

Je devine aussi que ce que je supposais être la terre ferme est...

un bateau !

- Oui, mais, vraiment, quand tu étais petite, toi ?

- Mange tes haricots.

- Alors, tu racontes ?

- Imagine…

Tu es une tortue. Tu transportes ta maison sur ton dos.

C’est une tortue spéciale, avec une carapace de tôle multicolore et de bois.

Au début, ça te va bien, cette carapace.

Mais, la matière qui la compose n’a pas été secrétée par ton organisme.

Tu grandis…

Ton corps fait ce qu’il peut pour s’adapter.

C’est une carapace pour deux tortues.

Toi, la plus petite, tu vas devoir t’effacer ou t’en aller.

Alors, un jour, tu sors, toute nue.

De chaque côté de ton corps, il y a, en creux, la marque de ton papa et de ta maman.

Les premiers petits cailloux que tu jettes à l’eau indiquent alors que ton chemin va s’écarter et te mener très loin d’eux.

 

"(...) j'ai lu et relu, et aimé pour sa tendresse et les souvenirs de ses jeunes années. Enfin, une auteure, et quelle plume ! qui parle enfin d'un monde qui m'est cher et me fut si proche il y a bien longtemps. Un de mes chers amis, qui eut, lui aussi, une enfance batelière et à qui j'ai offert votre livre me dit être profondément touché et ému. Lui-aussi se perchait dans la marquise, à côté de son papa au macaron !" Ghislaine Adam Jacolet

"Protégée dans ma petite chambre "intérieure" à Lustin, voilà que je termine Bateau-ciseaux.
Mon lit ressemble à un navire...
 Doux et sobre, comme toi. Sombre et vaste aussi. J'en sors émue.
Il faut ce courage pour descendre là-bas.
 Je trouve que tu écris sensiblement bien et je songe au silence du lieu que tu habites.

«  L’enfant n’a d’espace privé qu’en lui-même. Je retournerai toutes mes poches    
         vers l’intérieur. Que chaque enfant puisse sentir ça, sa vie, la sienne. »
 
Merci Christine. J'ai été touchée."
Noémie D.